LES ROIS DU CAMBODGE (1847-2021)

Vous souvenez-vous de la légende de Bat Dâmbang ?

Non ! Alors lisez-là. Vous découvrirez comment la ville de Batdambang fut créée.

Dans ce cadre, j'avais évoqué que les noms des souverains du Royaume puisent leur origine dans le Sanskrit et le Pâli, langue sacrée, et que leur nom est précédé du titre :  Preah Baat.

ព្រះបាទ "Prèr Baat" = "Pied sacré" appellation que l'on donne uniquement au Roi.

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Alors intéressons-nous aux du Cambodge depuis 1847 jusqu'à nos jours.

Ont régné les Rois : Ang Duong, Norodom 1er, Sisowath, Sisowath-Monivong ; plus proches encore, Norodom-Sihanouk, Norodom-Suramarith, et Norodom-Sihamoni.

Avant de s'intéresser aux origines et significations de leurs noms, permettez un petit rappel historique.
 

Ang Duong régna de 1847 à 1860

Il eut deux fils, Ang Voddey (futur Norodom Ier) et Sisowath. Bien qu'il fut reconnu Roi par le Siam, il souhaitait administrer seul son royaume. Afin de s’affranchir de la tutelle du Siam, qui voulait régir à sa place, il tenta de se rapprocher des puissances européennes ; dont certaines souhaitaient prendre pied dans la région. Il s'adressa à Napoléon III, nouvel empereur des Français à qui il proposa une alliance, sans succès.

Norodom succéda à son père, de 1860 à 1904

Il prit le nom de Preah Bat Norodom I^er.

il eut trois fils Yukanthor, Sutharot, Hassankan.

En 1963, comme son père, il voulut s'affranchir de l'influence du Siam et de l'Annam, et demanda la protection de la France. Cette fois, Napoléon III accepta.

Le traité de protectorat fut signé en juillet de la même année. Le traité mit fin à la suzeraineté du Royaume de Siam, qui avait amputé les provinces occidentales du Cambodge, annexant notamment Angkor ; et freina les ambitions de l'empire d'Annam, qui menaçait de conquérir des territoires du Royaume.

 

Sisowath succéda à son frère, de 1904 à 1927

Il prit le nom de Preah Bat Sisowath.

Il eut plusieurs enfants dont Monivong et Essaravong.

Quand Norodom décéda, la France fit pression pour qu'il accède au trône, et non l'un des trois fils de Norodom.

Les relations tumultueuses entre Norodom et les autorités coloniales avaient fortement déplu. Notamment, lorsque le prince Yukanthor, en visite officielle à Paris, en juillet 1900, exposa au gouvernement français les critiques de son père contre l’administration coloniale. Cette visite fit scandale, d'abord parce qu'un colonisé osait se plaindre du colonisateur, ensuite parce que l'opinion publique eut la révélation des procédés abusifs de l'administration en Indochine. Point positif, Angkor fut rétrocédé au Royaume, sous la pression de la France.

 

Monivong succéda à son père, de 1927 à 1941

Il prit le nom de Preah Bat Sisowath-Monivong.

Il eut plusieurs enfants. Deux fils : Monireth, Monipong et une fille Kossamak.

Après une formation militaire en France de 1906 à 1908, il sortit Sous-Lieutenant de l'École de Saint-Maixent, et servit dans la légion jusqu'en 1927.

Comme son père, il dû s'effacer devant l'arrogance de l’administration coloniale, où l’essentiel du pouvoir était entre les mains du résident général. C’est sous son règne que le Cambodge s’ouvrit aux influences communistes extérieures. Notamment, lorsque Hô Chi Minh fonda le Parti communiste indochinois, qui devint très vite populaire au Cambodge. Les premiers communistes khmers avaient comme objectif principal de chasser les Français.

 

 

Sihanouk succéda à son grand-père, de 1941 à mars 1955

Il prit le nom de Preah Bat Norodom-Sihanouk.

Bien que Sisowath-Monireth (fils de Sisowath-Monivong), apparût comme l’héritier naturel au trône, les autorités françaises lui préférèrent son petit-fils, Sihanouk, âgé de 19 ans. L’administration coloniale espérait que le jeune prince soit plus docile que son oncle ). Ils se trompèrent, Norodom-Sihanouk, après quelques pas de danse imposées, entra en croisade pour l'indépendance et l'obtint en novembre 1953.

Considérant que le pouvoir du Roi était trop limité, il abdiqua en faveur de son père, Norodom-Suramarith, afin de fonder un parti politique, le Sangkum Reastr Niyum. Sihanouk dirigea le royaume du Cambodge, d'abord comme Premier ministre, puis en tant que «chef d'État».
 

Norodom-Suramarith régna de 1955 à 1960

Il prit le nom de Preah Bat Norodom-Suramarith

Fils unique du prince Sutharot, il épousa en deuxième alliance la princesse Sisowath-Kossamak, avec laquelle il eut un fils Sihanouk.

Il régna jusqu'à sa mort le 3 avril 1960.

À son décès, le prince Sisowath-Monireth, président de l'Assemblée nationale, assura la régence jusqu'à ce que Norodom Sihanouk lui succède définitivement comme chef de l'État (20 juin 1960).

La reine Sisowath-Kossamak continuant d'incarner la monarchie d'un royaume sans roi, de 1960 à 1970.

Norodom-Sihanouk remonta sur le trône en 1993... après une très longue croisade. Chassé du pouvoir le 18 mars 1970 (coup d'État fomenté par Lon Nol et quelques ministres, avec l'aide des Américains), il forma alors un front de résistance avec les Khmers rouges, désignation que Sihanouk leur avait donné par opposition aux Khmers-Bleus, nom qu'il donna également aux républicains.

Il régna jusqu'à son abdication en 2004, en faveur de son fils Norodom-Sihamoni.

 

Norodom-Sihamoni règne depuis le 14 octobre 2004

il prit le nom de Preah Bat Norodom-Sihamoni

Norodom Sihamoni est fils de la dernière épouse du roi Sihanouk, la reine Monineath.

Fervent francophile, il s'essaie à la poésie et à la musique, comme son père en son temps. Il parle couramment anglais, tchèque, français et russe.

Nota : Norodom Sihanouk et son épouse Monineath ont eu deux fils : Norodom-Sihamoni et Norodom-Narindrapong. Le nom officiel de la Reine est "Samdech Preah Mahaksatrèye Norodom Monineath Sihanouk". Monineath est le nom que Sihanouk lui donna lorsqu'elle devint princesse (Monineath, provient du Pâli : Mouni + Neath = Souveraine savante). Née Paule-Monique Izzi, reine-mère du Cambodge, elle est la fille de Jean-François Izzi, d'origine Corse ; qui était directeur du Crédit Foncier de Saïgon. Après la mort de son père, mort pour la France en 1940, elle fit ses études à Phnom Penh. Elle rencontra Norodom Sihanouk en 1951, lorsqu'il lui décerna le premier prix d'un concours de beauté... (chut ! la petite histoire ne dit pas la suite).

Après cette page d'Histoire et de petites histoires, revenons aux origines des noms des Rois du Royaume.

Preah Bat Ang Duong ; du Sanskrit et Pâli : Ang + Douong (អង្គ + ឌួង) : Ang = les membres ; Dououng = qui brisent / qui vrillent. Qui pourrait se traduire par "Puissance".

Preah Bat Norodom ; du Pâli : Norrèr + Outdâm (នរៈ + ឧត្ត) : Norrèr = Homme ; Outdâm = Suprême. Transcrit en khmer នរោត្តម = Norrodôm. Signifie : Roi - Homme Suprême.

Preah Bat Sisowath ; du Pâli : Sirèye + Sowath (សិរី + សុវត្ថិ ) : Sirèye = Progrès ; Sowath = Sécurité. En khmer ស៊ីសុវត្ថិ = Sisowath (prononcez Si'so'wat); et signifie : Roi du Progrès et de la sécurité.

Preah Bat Sisowath-Monivong ; du Pâli : Mouni + Wouong (មុនី + វង្ស) : Mouni = savant ; Wouong = lignée/clan. En khmer ស៊ីសុវត្ថិ មុនីវង្ស = Sisowath-Monivong. Signifie : Lignée royale des savants apportant progrès et sécurité.

Preah Bat Norodom-Sihanouk ; du Pâli : Norrèr + Outdâm, auxquels fut ajouté Sèya + Hanou (សីហៈ + ហនុ) : Sèye'ha' = Lion ; Hanou = Humain. En khmer នរោត្តម សីហនុ (prononcez Norrodôm-Sèye'ha'nou). Signifie : Roi - Homme Suprême - Humain fort comme un lion.

 

Preah Bat Norodom-Suramarith, du Sanskrit et Pâli : Sorrä + Amrrœt (សុរា + អម្រឹត) : Sorrä = être divin ; Amrrœt = immortel. En khmer នរោត្តម សុរាម្រិត (prononcez  Norrodôm-Sou'rra'mareuth. Signifie : Homme suprême - Etre divin & Immortel.

 

Preah Bat Norodom-Sihamoni ; du Pâli : Norrèr + Outdâm, auxquels fut ajouté Sèy'ha + Mouni (សីហៈ +មុនី ) : Sèy'ha = Lion ; Mouni = Savant. En khmer នរោត្តម សីហមុនី (prononcez Norrodôm-Sèye'ha'mouni. Signifie : Roi - Homme Suprême - Lion Savant.

Noter : l'erreur de transcription latine des nom Sihanouk et Sihamoni, qui devrait se prononcer, respectivement, Sèye'ha'nouk et Sèye'ha'mouni.
 

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Ainsi, permettez-moi de rendre hommage à la famille Sisowath-Monipong. Une famille que j'ai très bien connue. Le prince Sisowath-Monipong était le second fils du roi Sisowath-Monivong.

Preah Ang Matïa Sisowath-Monipong ; Monipong (du Pâli, Mouni + Pouong (មុនី + ពង្ស) : Mouni = savant ; Pouong = lignée/clan ; en khmer ព្រះអង្គ ស៊ីសុវត្ថិ មុនីពង្ស (prononcez Prrèr Ang Matïa Si'so'wat-Mounipouong).

Notez qu'en Pâli, Preah Ang Matïa correspond à : Prince de lignée royale.
Donc Preah Ang Matïa Sisowath-Monipong correpond à :  Prince de lignée royale, savant apportant progrès et sécurité.

Le Prince Sisowath-Monipong, tout comme son frère aîné, le Prince Sisowath-Monireth, fit de brillantes études à l'institution Montaigne, à Vence, et intégra l'école militaire de Saint-Cyr. 

Le Prince Sisowath-Monipong servit dans l'armée de l'air française et le Prince Sisowath-Monireth dans la légion. Ce dernier fut nommé chevalier de la Légion d’honneur et obtint la Croix de guerre. De retour au Royaume, ils devinrent ministres et occupèrent de très hautes fonctions où ils œuvrèrent pour le développement du Royaume.

Son Altesse Sisowath-Monipong eut beaucoup d'enfants, mais très peu survivront au-delà de mai 1975...

Son fils aîné, le Prince Samyl Sisowath-Monipong, fut officier et héros de l'aviation khmère au début des années 70. Son aéronef fut la cible d'un tir Viêt-Cong, lors d'un vol de reconnaissance. Sérieusement blessé, il dut abandonner le combat. 

Une blessure qui lui sauva probablement la vie, puisqu'il fut affecté en France, en tant qu'attaché militaire. Promu au grade de lieutenant-colonel, il devint conseiller de la délégation cambodgienne auprès de l’ONU entre 1974 et 1975... et tant d'autres postes et hautes fonctions qu'il assuma avec discrétion, dévouement et intelligence.

Un homme, aujourd’hui disparu, que j'ai admiré pendant de longues années et que j'admirerai toujours…

Ne serait-ce que pour son fils, mon ami, le Prince Ravivaddhana Monipong Sisowath.